« La Collectionneuse » Nijat Kazimov 7 mai 2020 – Publié dans Littérosa – Mots clés: Les pierres en couleurs, Littérature azerbaïdjanaise, littérature française, Littérature moderne, Nijat Kazimov, Philosophie
Nijat Kazimov, Co-fondateur des Éditions Kapaz et rédacteur en chef de Littérosa. Directeur de la représentation de la littérature azerbaïdjanaise en France. Auteur du livre « Les pierres en couleurs ».
Si vous voulez en voir de toutes les couleurs, un véritable arc-en-ciel, vous y aurez droit en France. Vivant en France depuis nombreuses années, j’ai réalisé que c’est un pays multiculturel. J’ai commencé mes études en Corse. C’est une île paradisiaque, des flancs de montagnes rocheuses d’un rouge profond, qui tranchent sur le bleu miroitant de la mer.
J’avais 18 ans, et je me suis retrouvé loin des miens, dans un pays étranger. Je ne parlais même pas français, à peine savais-je en balbutier quelques mots. Mon adaptation à ce nouveau pays s’annonçait ardue. Cependant, c’est dans ces conditions que j’eus l’occasion de rencontrer celle qui pour moi, sera comme une deuxième mère, pendant un an, et qui m’adopta comme un fils.
Elle s’appelait Flora et avait 70 ans. Elle m’a raconté l’histoire de sa vie et m’a montré une boite contenant des dizaines de pierres. C’étaient des pierres particulières. Elles étaient bizarres. Différentes. Des pierres bleues, blanches, vertes, noires, jaunes, et beaucoup d’autres encore. Elle a travaillé pendant des années à l’Université de Corse comme professeur et elle avait beaucoup d’étudiants étrangers. Elle était comme une mère pour eux, elle les aidait, s’intéressait à eux et à leurs problèmes. Et elle leur demandait une seule chose, que chacun de ces étudiants étrangers rapporte une pierre de son pays d’origine. Il y avait dans cette boite des pierres d’Inde, du Kenya, d’Ouganda, d’Allemagne, d’Angleterre et de beaucoup d’autres pays encore. Je lui ai demandé pourquoi des pierres ? – Elle a répondu : – Car, vers ma mort , j’ai envie de faire rouler ces pierres entre mes doigts, et de sentir un morceau de cette terre que je n’aurai jamais explorée, mais dont j’aurai eu un morceau, et je pourrai alors me dire que j’ai touché le monde.
J’en eus la chair de poule. Mme Flora m’avait déjà touché par sa gentillesse hors du commun , et là je découvrais l’aspect romantique de cette vieille dame frêle et cela m’émouvait encore plus. Je suis heureux de l’avoir connue.
1 Commentaire
Rana Alam mai 09, 2020 - 07:16
Magnifique texte émouvant tout simplement