« La mort de la poésie ». Kismat Rustamov 31 août 2019 – Publié dans Littérosa – Mots clés: Azerbaïdjan, Caucase, Littérature étrangere, poèsie moderne

Kismat Rustamov est un poète azerbaïdjanais, né à Bakou , il est l’un des poètes les plus célèbres d’aujourd’hui : en incluant la modernité comme motif poétique, il a rompu avec l’esthétique classique ; il est aussi celui qui a popularisé le poème en prose. Kismat écrit plusieurs essais sur la littérature du monde entier jusqu’à nos jours.
J’avais lu une excellente histoire dans un livre sur l’histoire de la poésie. Malheureusement, je ne me souviens pas de son auteur. L’histoire est la suivante :
À New-York un homme aveugle mendiait sur le pont de Brooklyn et pendant toute la journée seulement trois ou quatre de ceux qui étaient passés près de lui l’avaient regardé et l’avaient aidé avec peu d’argent. Puis un jour, le mendiant aveugle fit écrire quelque chose sur le papier dans sa main : « Je suis aveugle, aidez-moi, j’ai besoin d’argent ».
Un jour, l’un des gens qui passaient près de lui s’approcha du mendiant et lui dit : « Si tu veux, je peux écrire une phrase au dos du papier pour que les gens qui t’aident donnent plus ». Le mendiant accepta, cet homme modeste écrivit quelque chose au dos du papier et il s’éloigna.
Vers le soir, cette personne passa encore par ici et demanda au mendiant « comment ça va ? ». Le mendiant exprima sa satisfaction sans arrêt. « Ça fait de longues années que je reste ici, je n’ai jamais amassé d’argent comme aujourd’hui. Qu’est-ce que vous avez écrit sur le papier, monsieur ? »
L’homme sourit et dit : « J’ai écrit sur le papier « le printemps arrive, mais je ne pourrai pas le voir ». »
Cette histoire explique la question « qu’est-ce que la poésie ? » d’une manière la plus simple et pour sa singularité, la poésie est précieuse pour moi. Évidemment, au sein de cette histoire il y a une partie carnegienne qui utilise les émotions des gens et qui est cupide. L’amour de Carnegie est presque cela : « aimez tout le monde, car peut-être vous en aurez besoin ». Cette histoire avec son côté esthétique est belle, mais avec son côté mercantile est dangereuse.
J’aime souvent me promener dans les librairies. Même si, je n’ai pas l’intention d’acheter un livre particulier, être autour des livres me rend heureux, mon énergie augmente. L’autre jour, j’ai encore visité un ou deux librairies et j’ai ressenti ce que j’avais de temps en temps. Où sont les livres de poésie ? L’enfer est ici ? Je comprends, les poètes et les livres de poésie sont moins que les prosateurs et les livres en prose, mais ce « manque », évidemment, n’a jamais été la même que le nôtre.
J’entends souvent des discussions ainsi : « La poésie est morte. Est-elle morte ? Si la poésie est morte, pourquoi on ne le sait pas ? Quand l’on-t-a enterrée ? Où est sa tombe ? ».
Une voix à l’intérieur de moi me dit que, ces personnes qui répandent la nouvelle de la fausse mort sont les éditeurs qui prennent les lecteurs dans le piège de « best-seller », qui formulent le progrès de la littérature comme « de la poésie en prose », qui sacrifient l’essence du grand art sur l’autel de la popularité, qui confondent la simplicité et la superficialité.
Il me semble que nos lecteurs, nos éditeurs et nos prosateurs pensent encore que la poésie est un chose ordinaire.
Orhan Veli a bien dit : « Est-ce que vous pensez que la poésie que vous lisez facilement et écrite aussi facilement ? »
Nous avons une opinion banale que, comme si, la poésie n’est qu’un produit des sens, mais la prose est celui d’esprit. Tandis que, la poésie est peut-être le produit de l’esprit beaucoup plus que la prose. Et aussi, la prose est celui des émotions et des sens. L’émotion et la pensée qui composent la poésie et la prose ont les mêmes droits.
Selon moi, les personnes qui n’aiment pas la poésie sont toujours effrayantes. Une citation de Mallarmé : « La poésie est la religion des mots ». C’est probablement pour cette raison que mes librairies préférées me rappellent l’enfer de best-seller.
Traduction par Chahana Karim
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