« Le portefeuille de l’homme riche ». Sahila Yaya 5 septembre 2020 – Publié dans Littérosa – Mots clés: , , ,

Sahila Yaya, écrivaine, publiciste. Elle est l’auteure de trois romans et des nouvelles. Actuellement elle collabore comme essayiste avec différents journaux.


Traduit de l’azerbaïdjanais par Konul Ramazanova


La femme le suppliait pour un rendez-vous de dix minutes.

Le garde du corps déjà habitué aux supplications des personnes la regarda avec indifférence et lui dis :

– Non, non, ce n’est pas possible

A l’ouverture de la grande porte, la Mercedes noire est entrée si rapidement que la femme n’a pu en profiter pour rentrer à l’intérieur.

Elle appuya son visage contre les barres de fer et se mit à crier.

– Monsieur Aziz, c’était votre portefeuille. Je l’ai retrouvé devant l’hôtel « Europe » hier.


Monsieur Aziz s’arrêta un moment et se retourna.

Ignorant son portefeuille presque oublié il dit:

– Laissez-la rentrer

Vingt-cinq minutes plus tard, elle rencontra Monsieur Aziz.

– Asseyez-vous, Madame.

Elle s’assit dans un grand fauteuil qu’on lui proposa

Elle ne s’était jamais assise dans un tel fauteuil, et elle n’avait vu une maison si belle et si riche que dans les films. Elle en a même oublié de rendre son portefeuille noir à son propriétaire.

– Où avez-vous trouvé le portefeuille, Madame?

La femme se leva rapidement, s’approcha de Monsieur Aziz et lui tendit son portefeuille en disant :

– J’ai vu le portefeuille par terre devant l’hôtel Europe. Heureusement, votre carte de visite se trouvait à l’intérieur. Sinon, j’aurais eu des difficultés à vous trouver.

Monsieur la regardait du coin de l’œil, en fouillant dans son portefeuille.

La femme était belle, mais cette beauté était altérée par sa vulgarité et suscitait du dégoût chez l’homme.

Avec le rouge à lèvres qu’elle avait sur ses lèvres charnues, ses cheveux teints en blond, ses bas noirs, ses chaussures à talons hauts, sa robe noire décolletée, et grattant le fauteuil avec ses ongles vernis en rouge, elle avait l’air très maladroite.

Sa vulgarité éclipsait sa beauté.Il n’était pas nécessaire de me rendre le portefeuille.

– Je n’aurais pas pu faire cela.

Elle prononça ces mots avec détermination, en regardant dans les yeux souriants de ce Monsieur.

– Pourquoi ?Parce que cet argent n’est pas le résultat de mon travail

– Vous ne l’avez pas volé, vous l’avez trouvé.C’est vrai. Mais votre adresse se trouvait à l’intérieur.

Savez-vous combien d’argent il contient ?

– Douze mille dollars, répondit la femme un peu effrayée.

Hier soir, Sevinc marchait devant l’hôtel Europe pour trouver un client.

Soudain, sa jambe a buté contre un objet de couleur noire qui brillait sous les lumières colorées. Elle regarda autour d’elle, constata que personne ne l’avait remarqué, prit le portefeuille et rentra rapidement chez elle.

Tarlan et Laman dormaient déjà. Elle n’avait jamais vu autant d’argent. Cet argent représentait énormément pour elle et lui aurait permis de vivre correctement. Mais malheureusement cet argent n’était pas le sien. Ce beau portefeuille faisait penser à un invité perdu dans sa pauvre maison. « Je pense que cela m’a été envoyé par Dieu pour me tester. Demain, je dois rechercher et rendre le portefeuille à son propriétaire, sinon Dieu me brûlera dans le chaudron de l’enfer ».

Sevinc commença à regarder avec appréhension tous ces dollars éparpillés sur la table et cela lui faisait peur.

En général, pour gagner de l’argent, elle doit attendre dans le froid pendant des heures en supportant toutes sortes d’insultes, afin de nourrir ses enfants.

Dépenser tranquillement ces dollars lui semblait encore plus dégoûtant que de trouver un client.

Mais elle avait un espoir. Le propriétaire du portefeuille pourrait l’aider un peu, au moins lui donner cent dollars parce qu’elle lui aura rendu son portefeuille.

Cent dollars, cela représentait quelques jours de repos pour Sevinc, en lui évitant l’attente d’un client dans la rue et dans le froid.

Monsieur Aziz a compté l’argent, l’a remis dans son portefeuille et l’a mis de côté. Etes-vous mariée?

– Mon mari est décédé et j’ai deux enfants.

Par curiosité, la femme qui n’avait remarqué personne d’autre à part eux deux dans cette grande maison, lui posa cette question :Et vous, vivez-vous seul ici?

– Non, ma fille vit en France. Ma femme lui rend actuellement visite. Maintenant je reste avec Jim.

Il caressait la tête du chien qui venait de s’asseoir à côté de lui.

– C’est un beau chien lui dit la femme en fixant le chien.

Ces paroles aimables concernant son chien firent plaisir à Monsieur Aziz.

Lui qui n’était pas habitué, depuis longtemps, à échanger avec des gens ordinaires, avait un certain intérêt pour cette femme.

Si, au premier contact, il avait eu une impression défavorable à propos d’elle, il commença à s’intéresser à elle.

– Pourquoi m’avez-vous apporté mon portefeuille ici chez moi et non à mon lieu de travail?

– J’ai bien essayé deux fois, mais personne ne m’a laissé entrer dans votre bureau.

La femme était pressée. Elle était préoccupée, en pensée, par ses enfants laissés seuls à la maison. Elle pensa: « Si seulement il m’avait donné cinquante dollars », elle aurait pu acheter ses bonbons préférés à sa fille et lui faire plaisir. Elle répondit patiemment aux questions de Monsieur.

– Ma mère est décédée il y a deux ans.

Le Monsieur a remarqué que la femme observait attentivement le grand portrait accroché au mur. Il lui dit.

– C’est le portrait de ma mère,

Il a toujours beaucoup aimé sa mère. Par conséquent, sa mère était pour lui la femme la plus intelligente et la plus talentueuse. Mais la mort de son père a rendu sa mère trop triste. Ces dernières années, il avait l’impression qu’elle ne supportait pas cette séparation.

Ses parents s’entendaient très bien, sa mère prenait toujours personnellement soin de son mari quand il rentrait à la maison.

Le sujet principal des parents était l’argent. Sa mère avait conseillé à son père de le dépenser mais sans le gaspiller.

Cependant après la mort de son père, l’homme a remarqué que sa mère était devenue cruelle et méchante.

Un jour, il a surpris une conversation entre sa mère et le jardinier, un échange qu’il n’a jamais réussi à oublier et dont il n’a jamais parlé à sa mère.

Le vieux jardinier parlait sévèrement avec sa mère, dans un bureau où personne n’osait entrer.

– Craignez Dieu. Avez-vous vite oublié votre passé? Tu étais la première femme dans ma vie, j’ai découvert la vie avec toi. Mais je n’étais pas le premier homme dans ta vie. Nous étions toujours ensemble, à présent, tu as changé, tu es devenue méchante et dure avec moi. Tu ne penses qu’à l’argent, Tu avais la chance d’avoir un bon mari, grâce à lui tu es devenue une femme respectueuse, mais pour toi seul l’argent compte. Mais sache que toute la ville se moque de votre argent et de vous-même. Votre famille ne peut être un exemple pour quiconque avec une telle morale.

Sa mère ne dit rien.

Le vieux jardinier n’est plus retourné chez eux à partir de ce jour-là.

Monsieur Aziz se rappelait ces souvenirs et il dit à la femme :

– Merci beaucoup de m’avoir rapporté mon portefeuille Madame. Vous êtes une personne honnête.

Il a pris son portefeuille. Sevinc se réjouit.

– Le gardien va vous accompagner vers la sortie.

Elle se leva lentement. Son dernier espoir c’était le gardien. Peut-être monsieur a-t-il ordonné au gardien de lui laisser quelque chose…

Le gardien mit sa main dans la poche droite de sa veste. Sevinc se réjouit à nouveau. Mais il sortit son mouchoir et s’est essuyé le nez avant d’accompagner la femme vers la sortie. Sevinc quitta cette grande maison avec une grande déception.

Monsieur Aziz fixa ses yeux sur le grand portrait de sa mère.

Il y avait deux choses qu’il avait héritées de ses parents et qui le privaient des sentiments les plus nobles. Cupidité et avarice. Il regarda, par la fenêtre, la femme s’éloigner.

Puis il a commencé à travailler son discours prévu pour la réunion du soir. Il était une figure importante de l’institut international des droits de l’homme durant de nombreuses années. L’institut était connu pour ses projets humanistes et spécialisés dans les relations publiques.

Sevinc traîne dans les rues, avec un gros chagrin et sous la pluie.

Monsieur Aziz prépare le rapport pour l’événement du soir, Tarlan et Laman jouaient et attendaient leur mère à l’intérieur de la maison.

Les larmes de Sevinc se mélangeant à la pluie, coulaient sur son buste…


Que soit remercié pour sa contribution à la réalisation de cette nouvelle: Thierry Edmond


Kapaz (c) 2020

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