Ton fils est né ! L’histoire d’amour entre Jamal et Fatima 24 octobre 2022 – Publié dans Littérosa, Littérosa Magazine – Mots clés: Littérature azerbaïdjanaise, littérature étrangère, Militaire, Narmina Mammadzadeh, Nouvelle
Narmina Mammadzadeh est l’une des représentantes de la littérature azerbaïdjanaise moderne. Elle écrit aussi bien en azerbaïdjanais qu’en russe. Membre de l’Union des écrivains azerbaïdjanais, Narmina Mammadzadeh est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes et de nouvelles. Elle a également publié quelques romans. Cette nouvelle est tirée de son recueil « Les voix de la guerre » sur des militaires vétérans.
— Bonjour Jamal.
— Bonjour Madame.
— Tu peux m’appeler Narmina. On a presque le même âge, non ?
— D’accord.
— Jamal, as-tu toujours voulu être militaire ?
— Depuis que je me connais (dit-il le sourire aux lèvres).
— Au fait, c’est quoi vraiment être militaire ?
— Je peux te dire que c’est un sentiment qui te comble de joie. C’est une vie très différente. Tout le monde ne peut pas servir sa patrie.
— Pourquoi ?
— L’amour pour la patrie doit primer sur tout et ce n’est pas si simple pour une personne qui a de la famille.
— Jamal, parlons de ta famille. Comment est-ce que tu as rencontré Fatima ?
— En fait, nous appartenions à la même lignée de famille mais nous ne nous étions jamais vus. J’avais vu Fatima pendant qu’elle se préparait aux examens. À l’époque, je lui avais demandé de venir avec moi. Mais Fatima ne m’avait pas suivi. Alors je suis allé la chercher.
— Elle ne voulait pas te suivre ?
— Elle était timide et très courageuse. Mais moi, je savais que ne la lâcherais plus.
— C’est un beau sentiment… Jamal, tu as deux filles. Je crois que tu en voulais une troisième ?
— Oui, et je disais même que j’en voulais cinq (dit-il en riant). Avant la guerre, nous sommes allés voir un médecin. Fatima était enceinte. J’avais promis d’inviter le médecin au restaurant si le troisième enfant était une fille. Parce que j’aurais eu le droit d’aller au paradis comme tout père de trois filles (il rit à nouveau).
— Et qu’est-ce qu’il a dit le médecin ?
— Il a dit que c’était un garçon.
— Vous n’êtes donc pas allés au restaurant ?
— Si, nous étions le dix-huit août. Nous avons fêté la future arrivée de mon fils…
— Jamal, j’ai entendu dire que tu aimais écouter des poèmes.
— Oui, j’en envoyais également à Fatima pour qu’elle les écoute. Je lui avais récité un poème si triste lors de notre première rencontre…
— Pourquoi ?
— Parce que je voulais qu’elle sache à quel point la vie était difficile avec un militaire.
— Comme si tu l’avais pressenti ?
— Je le savais. Il y a des choses qu’on ne peut pas expliquer… Mais j’essayais de montrer mon amour à ma famille quand j’étais avec eux. Je lisais des contes à mes filles et je les emmenais en promenade.
— Tu parlais souvent avec Fatima ?
— Oui, j’essayais de lui téléphoner pour qu’elle ne s’inquiète pas. Elle était enceinte. Je ne voulais pas qu’elle soit triste. Mais, une fois je n’ai pu l’appeler car mon ami Kamil Chirinov était mort entre mes mains. Fatima le savait déjà et ça ne servait à rien de le lui cacher. J’avais donné ma parole à Kamil que ses enfants seraient dorénavant mes enfants… Mais comme tu le vois, je n’ai pas réussi à tenir ma parole.
— Je connais l’épouse de Kamil…
— N’oublie pas Fatima non plus. Elle est aussi mon enfant… Maintenant que j’y pense… En réalité, j’avais eu trois filles. C’est pour cette raison que je suis au paradis (il sourit).
— Jamal, aujourd’hui, nous sommes le douze février. C’est la date de naissance de ton fils. J’ai parlé avec Fatima. Elle va bien.
— Je sais… Je le sens.
— Quand Fatima a reçu la nouvelle de ta mort, on lui a dit que ta radio était toujours allumée et que son prénom avait été le dernier mot que tu as prononcé…
— Ça ne pouvait pas en être autrement car elle est mon premier et dernier amour.
— Jamal, as-tu quelque chose à ajouter ?
— Dis à Fatima de prendre soin d’elle. Et qu’elle s’occupe bien de nos enfants. Maintenant, je ne suis plus là pour leur faire leurs lacets chaque fois que je rentrais à la maison (il continue de rire). Mes enfants chéris…
Traduit de l’azerbaïdjanais par Elvin ABBASBEYLI,
Corrigé par Valentin DA FONSECA.